Mon histoire remonte déjà à près d'un demie siècle. Lorsque je pense au temps qui c'est écoulé depuis le début de ma vie, j'en ai presque le tournis. Cette vie d'immortel, de monstre que je vis aujourd'hui je ne l'ai pas choisi. On me l'a infligé comme on offre un cadeau empoisonné. Cette vie, je l'ai longtemps subis. Mais à présent, je l'accepte pour ce qu'elle est, un cadeau égoïste et néanmoins teinté d'amour d'une sœur à son frère... Serais-je capable de lui pardonner ? Peut-être au fond de moi l'ai-je déjà fait ? Lisez la suite de mon histoire et vous le saurez...
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Mon histoire débute donc il y a 500 ans de cela. D'origine Grec, ce pays ne sera pourtant jamais le miens. En effet, mes deux parents choisirent de quitter l'Europe pour rejoindre Hernán Cortés et ils partirent avec lui vers le nouveaux monde. Plus sauvage, plus intrépide et indomptable que leur vieille Europe Natale, ce nouvel eldorado était ce qui correspondait le mieux aux caractères aventurier de mes parents. En effet, depuis toujours la famille Kanaris est réputée pour son savoir faire et son art de la navigation inégalé. Cela a toujours été une fierté pour mon père.
Cette nouvelle Terre, ma famille la découvrit les yeux pleins de joie et d'avidité ! Tout comme Cortès et ses hommes, mon père et bon nombre des autres membre de son équipage furent attiré par l'or des Mayas, c'est donc sans surprise que lors de la guerre qui opposa Cortès et ses hommes aux autochtones qu'il se rangea du coté des Espagnol. Il combattit donc l'ennemi avec eux jusqu'à les vaincre totalement. Mon père n'était pas un homme foncièrement cruel, mais il était avide et l'avidité est bien souvent la perte même des hommes les plus vertueux.
Quelques années après l'arrivée de mes parents dans ce pays qui est aujourd'hui le Mexique, mes parents eurent enfin la joie d'avoir des enfants. Deux beaux et forts enfants. Des jumeaux, une fille qu'ils appelèrent Ariane et moi même qui fut nommé Alessandro.
Mes premières années de vie furent une véritable joie. Malgré les difficultés que nous rencontrions chaque jours, ma sœur et moi même étions là l'un pour l'autre. Main dans la main, nos cœurs battant aux même rythme le même souffle de vie battait en nous. Nous étions bien plus qu'un frère et une sœur, nous étions unis par un lien invisible que nul à part nous deux ne pouvaient comprendre.
Quelques années de cette vie si vite écoulées et voilà que mon père décidait de marier ma sœur à un propriétaire terrien local. Il voulait une fois de plus s'enrichir et espérait bien sur que ce mariage lui apporterait fortune et biens matériel. Ma pauvre sœur elle ne reçut de ce mariage que des coups et du mépris de son mari. La rage montait en moi chaque fois que je voyais ma sœur en souffrance. Bien entendu, il se gardait bien de le faire devant témoin, du moins au début. Par la suite l'alcool aidant surement, il ne s'empêchait plus de l'humilier même en publique ! J'en étais mort de honte pour le nom de ma famille et fou de rage pour ma sœur. C'est seulement elle qui m'empêchait de le tuer pour ses actes !
Quelques temps après son mariage et une énième dispute, ma sœur disparut... Persuadé que son mari l'avait tué, j'allais donc le trouver pour lui faire avouer la vérité ! Cette fois, rien ne m'empêchait de laisser aller ma rage ! Un coup tomba sur l'homme, puis deux, puis trois... Je perdis au final le compte et tout ce qui resta de lui fut son corps ensanglanté sur le carrelage de sa demeure. Ce fut la première fois que je tuais quelqu'un, mais pas la dernière hélas...
Après cela, ce fut une longue errance de mon esprit. Je dû me marier alors que je ne le désirais pas. J'eus avec mon épouse Trois enfants. Deux moururent dans d'étrange circonstances à un très jeune âge. Un mal étrange les emporta dans une fièvre hémorragique impitoyable ! Les locaux disaient que c'était la malédiction de ma famille. Nous avions pris leur terres, les anciens dieux aztèques nous en punissaient ! Lorsque mon second fils mourut dans mes bras et que ma dernière fille restante commençait à être malade à son tour, je commençais moi aussi à croire en cette malédiction !
En enterrant mon fils, je pleurais toutes les larmes de mon corps. J'allais par la suite dans un des temples aztèques des autochtones. Là, je priais les anciens dieux d'épargner ma dernière fille. Ma petite Julia devait vivre et cela quelques en soit le prix ! A mon retour chez moi, mon enfant était toujours malade. La fièvre lui fit vivre l'enfer pendent presque trois semaines complète et un matin, ses yeux s'ouvrirent et elle était guérie ! J'ignore encore aujourd'hui si les anciens dieux Mayas exaucèrent ma prière, mais en tout cas, Julia était en pleine forme et pleine de vie ! Moi par contre, je m'affaiblissais de jour en jour. Un mal étrange semblait me ronger. Nul ne savait de quoi il retournait. J'étais sans cesse épuisé et je ne gardais en moi que peu de nourriture.
Mon calvaire aurait pu s'arrêter là, mais cela était sans compter sur la fameuse malédiction de ma famille qui vint un soir à moi sous les traits de ma sœur que je pensais depuis si longtemps déjà morte. Je fus d'abord surpris, puis heureux. Elle était là toujours aussi belle, aussi jeune que le jour de sa disparition. Je la serrais alors dans mes bras avec tout l'amour dont j'étais capable. J'étais heureux, oui si heureux. Mais hélas, le bonheur fut de courte durée. Ma sœur pris ma vie ce soir là. Elle me mordit, m'injecta son venin et fit de moi un Culebras ! Par amour disait elle. Ca, je ne pus le croire ! Je ne pensais qu'à une chose, Julia n'avait plus de père, juste un monstre... Je voulus la rejoindre, prendre soin d'elle, mais qu'avais-je à lui offrir à présent ? Elle était encore une enfant. Elle n'avait que 12 ans lors de ma transformation. Mon amour pour ma sœur se mua alors en haine et je décidais de partir loin d'elle ! Julia fut confiée à des amis de notre famille. Ils la prirent et l'élevèrent en lui disant que j'étais mort en mer. Mieux valait cela que la vérité.
Je décidais de m'éloigner de tout ce qui me rappelé ma vie d'avant et surtout de ma sœur qui m'avait tout pris... Je parcourus le monde entier ! Je retournais même sur les traces de mes ancêtres en Grèce. Je découvris en France les arts. Notamment la peinture et le dessin. Je fis d'ailleurs de la peinture mon métier à partir de cet instant. Je pris un voilier et je parcourus le monde entier.
Douze années s'écoulèrent lorsque je décidais de retourner au Mexique. Ma fille me manquait terriblement et je voulais la revoir. Je la cherchais tout d'abord dans la maison de mes amis. J'appris alors que celle-ci avait pris feu il a quelques mois. Mon enfant perdit ses parents adoptif à ce moment là. Je cherchais alors sa trace et je la retrouvais mourante allongée dans un hospice. Elle était atteinte de diphtérie. La pauvre était condamnée à une mort certaine. Je me souvenais alors à cet instant du visage de ma sœur. Je me souvenais de son étreinte de mort et je compris. Je compris à cet instant l'amour fou qui avait pu la pousser à commettre cet acte égoïste et de faire de moi un Culebras. Cette nuit là, dans les alcôves sales de l'hospice, je fis de ma pauvre enfant une Culebras. Je me haïssais pour ça alors que ses yeux s'ouvraient à nouveau sur sa nouvelle vie. Elle me reconnut et tomba dans mes bras. je lui demandais alors pardon. Elle me sourit en me disant :
"Mais de quoi devrais-je te pardonner ? Tu as sauvé ma vie en faisant de moi un être immortel ! A présent nous sommes ensemble pour l'éternité !" Je pleurais une fois de plus en la serrant contre moi. Ma sœur me manquait cruellement, mais je n'osais pas aller à elle et encore moins lui avouer avoir fait pire qu'elle en faisant de ma propre enfant un monstre !
Je renouais néanmoins par la suite avec elle, mais un fossé était désormais entre nous. Ce secret que je n'osais lui avouer me rongeait. Je décidais donc de ne plus la voir. Ma Julia me jura de ne jamais rien lui dire sur elle avant que moi je lui en ais parlé et je l'en remercia.
Les années s'écoulèrent puis les siècles. Julia finit par partir faire sa vie, mais nous restèrent néanmoins en contact. Je bâtissais ma vie également naviguant de pays en pays en vendant ça et là mes toiles, mais un manque Curel grondait en moi. Ma sœur, ma moitié, la meilleure part de mon âme. Une lettre me parvint d'elle. Je l'ouvris et là, je compris que le pire était à prévoir. Il était temps de pardonner. Il était temps de tout avouer. Julia et moi nous sommes donc rendu à El Rey pour la retrouver et la sauver d'elle même et former à nouveau ensemble une famille. J'espère juste qu'il ne sera pas trop tard...