"Quand il ouvrit le septième sceau, il y eut dans le ciel un silence d'environ une demi-heure. Et je vis les sept anges qui se tiennent devant Dieu, et sept trompettes leur furent données.
[...] Le troisième ange sonna de la trompette. Et il tomba du ciel une grande étoile ardente comme un flambeau; et elle tomba sur le tiers des fleuves et sur les sources des eaux. Le nom de cette étoile est Absinthe; et le tiers des eaux fut changé en absinthe, et beaucoup d'hommes moururent par les eaux, parce qu'elles étaient devenues amères.
[...] Je regardai, et j'entendis un aigle qui volait au milieu du ciel, disant d'une voix forte: Malheur, malheur, malheur aux habitants de la terre, à cause des autres sons de la trompette des trois anges qui vont sonner!"

Absinthe, Artemisia Vulgaris en latin. Vilains Latins, ce n'était pas une jolie dénomination. Rien de tel pour se faire brûler pour sorcellerie sous l'Ancien Régime. Alors, certes, il pouvait lire dans l'âme et les rêves de ses geôliers et de ses juges, mais tout de même !

Tchernobyl en Russe : l'Herbe Noire. Au centre de la ville, un monument à l'Etoile Absinthe s'élève encore aujourd'hui, représentant l'ange soufflant dans sa trompette, car ils ont cru, pauvres humains, que c'était l'Apocalypse qui déversait sur eux les feux du ciel, et rendait leurs rivières amères.

Wormwood en Anglais. Meilleur moyen aujourd'hui pour vous voir comparer, avec forces ricanements, à l'institutrice désagréable de Calvin et Hobbes - une excellente bande dessinée, cela dit. Absinth préfère Absinth. C'est atemporel, mystérieux, floral, mélodieux, légèrement enivrant, pas trop féminin, mais pas trop masculin non plus. Vous l'aurez compris, ce n'est pas son premier passage sur Terre et il a eu à coeur d'en explorer diverses cultures, ce qui ne peut que l'aider dans l'activité actuelle qu'il exerce en compagnie de son hôte. Vous aurez aussi compris qu'il est très sensible aux mots et à leur bon usage, à leurs nuances et à leur espièglerie, et qu'il s'efforce d'en maîtriser les associations.

Dans les nuages, entre deux incarnations, les contraintes du temps n'ont pas cours. On ne voit que l'essentiel, celui qui, sur Terre, est invisible pour les yeux. Et l'essentiel n'arrive jamais trop tôt ni trop tard ; on ne s'ennuie jamais, on ne se précipite jamais. En revanche, dès que l'on descend sur cette charmante boule de pierre et de lave, tout est différent... Généralement, Absinth a été envoyé sur Terre suite à des conversations théologiques que sa petite personne s'était permise de pousser un peu trop loin ; quand un élève exagère avec la théorie, autant l'envoyer tâter un peu de la pratique pour lui remettre les idées en place.

Cette fois, il s'agissait d'une réflexion sur le concept de la damnation tel qu'il était imaginé dans différentes religions, et en particulier, chez les fondamentalistes américains. Pour simplifier, la damnation ne lui paraissait pas être un système logique. Bien sûr, les humains pouvaient difficilement l'analyser de leur point de vue limité, mais cela les conduisait à se désespérer, à rester passifs face au malheur, et surtout, à se faire du mal inutilement, eux-mêmes et les uns aux autres. Et il trouvait que l'on aurait dû intervenir auprès d'eux pour les détourner de cette attitude délétère.

Il avait ressorti le procès en hérésie de l'autoproclamé "Loup-garou de Livonie", Thiess de Kaltenbrun. Le vieil homme affirmait haut et fort que les loups-garous comme lui étaient une armée divine qui, trois nuits par an, descendaient aux Enfers mener un raid bien précis : la récupération, par la force, des céréales et du bétail que les sorcières volaient aux humains pour alimenter le monde souterrain. Cette guerre sans fin faisait d'eux les chiens de Dieu. Et lorsque l'un d'eux mourait au combat, son âme filait tout droit des Enfers au Paradis, car il avait mené là une noble expédition.

Et puis, il y avait la tradition des benandanti du Frioul, descendants des païens Lombards, qui lors des jours consacrés à Thor pouvaient détacher leurs âmes de leurs corps pour voyager de nuit et affronter les âmes des sorcières, notamment pour en protéger les récoltes. L'inquisiteur Montefalco avait démontré que ces pratiques n'étaient pas plus différentes du sabbat de sorcières que les loups-garous du Nord n'étaient différents des loups-garous communs, et que tout ça devait être jeté dans le même sac, et condamné par les bons chrétiens. En somme, tout pouvoir était du démon, tout combat était indigne de l'agneau christique, et la seule voie acceptable consistait à s'en remettre entièrement à la volonté de Dieu, sans chercher à intervenir.

Ce n'était guère que l'avis d'un inquisiteur du dix-septième siècle ; et ceux qui le suivaient encore aujourd'hui étaient bien nigauds, et ne pouvaient sans doute pas être sauvés d'eux-mêmes ; ils avaient le choix entre toutes sortes d'églises, nombre d'entre elles charitables et proactives, inclusives et pleines de bon sens. Néanmoins, le chérubin était troublé. Il débattait que tout bon chrétien devrait être jugé à son amour envers les autres, un amour actif et désintéressé, et dans ces conditions il devait chercher à entrer en Enfer : c'est là qu'il pourrait passer son éternité à aider, à pardonner, à soutenir, à ignorer les avantages qu'autrui pouvait lui apporter pour se consacrer uniquement à faire le bien. Qui avait besoin d'être aidé au Paradis, qui avait besoin d'affection dans ce monde de lumière et d'amour ? Ceux qui se passionnaient pour les histoires de sorcières, les films de vampires, les clips de métal et les jeux vidéos immoraux, ceux qui n'envisageaient pas d'écouter de la lyre pour l'éternité et rêvaient de plonger dans les ténèbres au long d'une barre de pole-dance, étaient peut-être ceux qui avaient tout compris.

Il était temps de le renvoyer sur la surface de la planète pour qu'il se confronte à la réalité concrète. Le vingt-et-unième siècle allait l'intéresser. On l'envoya dans une ville où la présence des tentations démoniaques causait une criminalité omniprésente. Sa tâche serait de faire progresser la solidarité entre les bonnes âmes et de s'opposer à cette corruption, d'analyser la situation et de revenir quand son point de vue théologique aurait progressé. C'est ainsi qu'il confronta ses convictions avec les études de médecine et de droit disponibles dans cette partie du monde, puis avec le monde juridique. La corruption y était hélas tout aussi présente. Il n'était pas toujours facile, ou utile, de faire son métier correctement. Mais il restait conscient que sauver une seule vie suffisait à justifier cette laborieuse entreprise.

Il s'attachait aussi à son hôte et à l'entourage de ce dernier. C'était toujours ce qui était le plus difficile au terme d'un passage sur Terre : abandonner ces braves gens, ou leurs descendants. Cela dit, Jorden Carville ne comptait pas fonder une famille, surtout en sachant qu'il abritait une entité surnaturelle dont il ne devait parler à personne. Pour le moment, l'existence des deux complice est donc à la fois solitaire et sociable, active et paisible, équilibrée en somme. Reste à voir ce que leur apportera la prochaine affaire qu'ils auront à traiter.

Salut je suis Jorden et j'ai 38 ans. J'ai découvert le forum grâce à un top-site. Je suis un inventé. J'en profite pour dire que j'autorise le staff à faire mourir mon personnage inventé si je venais à quitter le forum. Je serai présent à peu près tous les jours et je tiens à dire que le forum est très original et joliment décoré, et l'accueil est impeccable !